Le développement durable : socle de notre émergence

Publié le par KOUAME BI Kalou Clément

Le développement durable : socle de notre émergence

Le développement durable, vocable très en vogue, semble éloigné de nos préoccupations tropicales. Certains d’entre nous le considèrent, au pire, comme une vue de l’esprit, au mieux, comme un effet de mode, un gadget occidental, repris par mimétisme. Pourtant, au regard de nos ambitions affichées (faire de notre pays une Nation émergente en 2020), nous ne pouvons faire l’économie d’une politique axée sur le développement durable.

I) L’histoire du développement durable

Des auteurs, tels que Serge Latouche, ont qualifié le « développement durable » d’oxymore, c’est-à-dire la juxtaposition de deux termes contradictoires.

La problématique consiste alors à savoir comment envisager le développement tout en garantissant la préservation des ressources naturelles qui sont justement indispensables au développement ?

Au milieu du XIXe siècle, deux (02) écoles s’opposent : l’école de l’adaptation (Francis BACON) et l’école de la lutte (René DESCARTES).

La pensée cartésienne va impulser le siècle des Lumières et les avancées scientifiques subséquentes vont aboutir à la première Révolution industrielle. La seconde Révolution industrielle se fait au XXe siècle quand le pétrole remplace le charbon de bois, ce qui conduit à la société de consommation. C’est le règne sans partage de la science. Mais une sourde contestation va commencer à poindre au milieu du XXe siècle, alimentée par le double fait d’une fracture sociale et humaine et d’une fracture écologique (inégalité dans le partage des fruits de la croissance, érosion de la biodiversité, changement climatique, raréfaction des ressources fossiles).

A travers un rapport intitulé « Halte à la croissance ? », le Club de Rome, un groupe de réflexion composé d’industriels, de chercheurs et de diplomates, va attirer l’attention de la communauté des Etats sur les risques que court notre planète.

Cette interpellation aboutit à une prise de conscience collective illustrée par la tenue, à l’instigation des Nations-Unies, de la première Conférence mondiale sur l’Environnement à Stockholm en 1972. Ce début de négociation a pour but de concilier les impératifs de développement avec les exigences environnementales.

Toutefois, c’est le rapport BRUNTDLAND de 1987, qui conceptualise le terme de développement durable et le définit comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins »

Le développement durable repose sur trois (03) piliers (économie, social et environnement) entre lesquels il faut un équilibre.

II) La Côte d’Ivoire et le développement durable

De 1960 à 1980, notre pays a connu une relative prospérité. Sans expressément évoquer le terme de développement durable, on peut considérer que les différents programmes nationaux de développement (PND) avaient pour but d’y parvenir. Cette période a été qualifiée de « miracle économique » au vu des ressources naturelles quasiment inexistantes du pays.

Mais cette économie, essentiellement extravertie, portait en elle les germes de sa propre décadence car au regard des trois (03) piliers du développement durable, elle présentait de grosses lacunes :

  • Pilier environnemental :

En 1960, la Côte d’Ivoire comptait moins de trois (03) millions d’habitants et jouissait d’une couverture forestière de seize (16) millions d’hectares (cf. Paul Antoine Bohoun BOUABRE, Les conditions du développement durable en Côte d’Ivoire). Le climat fournissait un écosystème favorable au maintien de la biodiversité. Aujourd’hui, l’action de l’homme a réduit le patrimoine forestier à environ 2.5 hectares (selon les estimations les plus optimistes) pour une population qui, selon le recensement de 1998, avoisine les quinze (15) millions d’habitants. Le développement de l’agriculture (qui reste le pilier de l’économie ivoirienne) et les pratiques culturales dévorent inéluctablement les forêts et ce mouvement s’accompagne d’une forte croissance démographique qui met plus de pression sur le massif forestier résiduel.

  • Le pilier économique :

La préférence accordée par les individus à la facilité, à la consommation immédiate, à la recherche des rentes et à l’investissement productif mais intensif au détriment du travail acharné, de l’accroissement des capacités productives du futur lointain est inquiétante pour l’avenir. Elle a démontré, selon Paul Antoine Bohoun BOUABRE (op. cit.) que « la Côte d’Ivoire n’a pas encore atteint le seuil qui déclenche le processus de la formation du capital productif.

  • Le pilier social :

La redistribution des fruits de la croissance a été mal faite. Elle a appauvri les planteurs et enrichi de manière accélérée une bourgeoisie politico-administrative.

Les nouvelles autorités, en fonction de la vision du Président de la République, Son Excellence Alassane OUATTARA, ont établi un plan national de développement (PND) qui semble prendre en compte ces lacunes. La volonté de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 est traduite dans ce PND 2012-2015 dont les grandes lignes, qui se veulent un équilibre entre les trois (03) composantes du développement durable sont porteuses d’espoir et une grande partie est en cours de réalisation. Ces grandes lignes sont, entre autres :

  • Combattre la pauvreté en puisant dans les traditions et valeurs de société africaines ;
  • Assurer une meilleure répartition des richesses en commençant par les agriculteurs avec un commerce équitable pour les produits de rente ;
  • Rendre participative et transparente la gestion du secteur de l’environnement et du développement durable ;
  • Restaurer les différents écosystèmes et améliorer la gestion des ressources naturelles ;
  • Assurer la gestion durable des ressources naturelles (eau, faune, flore) ;
  • Exploiter les potentiels nationaux des énergies renouvelables (biomasse, énergie éolienne, énergie solaire et petite hydroélectricité) ;
  • L’exportation des matières premières ;
  • La contribution aux échanges internationaux de produits manufacturés.

Il ne fait pas de doute que ce plan, qui prend en compte des plans sectoriels existants est issu de la stratégie nationale de développement durable (SNDD) telle que recommandée à tous les Etats par la Conférence de Johannesbourg en 2002.

Mais il n’appartient pas qu’à l’Etat de s’inscrire dans cette vision. Les collectivités locales et les individus doivent jouer leur partition.

La conférence de Rio de 1992 recommande aux collectivités territoriales un agenda 21 local qui consiste à mettre en œuvre à l’échelle de la localité des politiques et/ou des projets de développement durable. Combien sont-elles les collectivités disposant d’un agenda 21 local ?

Quant aux individus, la véhémence avec laquelle la mesure gouvernementale d’interdiction des sachets plastiques a été combattue, dénote de ce que nous sommes encore loin d’être des éco-citoyens.

Et pourtant, il le faudrait pour limiter certaines catastrophes naturelles telles que l’érosion marine (comme à Grand Bassam) ou les inondations mortelles que nous avons connues il y a peu et pour lesquelles des défaillants intellectuels trouvent, dans l’irrationnel, des explications du genre « c’est Dieu qui parle aux Ivoiriens ».

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